7.12.04

Rapports de recherche

On ne chantera jamais assez les louanges du site Web du Sénat. Mise en ligne complète des rapports généraux, des textes d'amendements, liens hypertextes entre pages des sénateurs et travaux produits ou même interventions précises. Très beau boulot d'indexation et de mise à disposition de quasiment toute de l'information disponible au public (et plus clair à mon sens que celui de l'Assemblée Nationale). Et passionnant outil pédagogique pour voir l'Etat en construction au jour le jour.

Et la lecture du jour est le rapport général sur la recherche de Maurice Blin, fait au nom de la commission des finance.

Un bonne lecture. L'état des lieux de certains grands organismes est intéressant, tant en soi que par opposition: INSERM, CEA, CNES dans les bons élèves, CNRS au piquet. Le chapitre sur la réforme du système français est assez mesuré, même si sans grande complaisance. Le rapporteur ressort d'ailleurs quelques coup de piques de la Cour des Comptes en 2001:

« La formule statutaire - notait la Cour - inscrit les chercheurs dans une perspective de carrière d'une quarantaine d'années, alors que l'activité de recherche évolue sensiblement avec les âges de la vie... s'il est souhaitable - poursuivait-elle - qu'un grand nombre de chercheurs puisse tirer profit de l'investissement consenti par la nation pour les former à et par la recherche dans les établissements publics à caractère scientifique et technique et les universités, il n'est pas établi qu'il soit de bonne gestion (admirable litote !) de prévoir que tous doivent ensuite exercer leur travail de recherche dans les établissements publics à caractère scientifique et technique . »
"L'admirable litote" n'est pas de moi, mais du rapporteur. Il est surtout intéressant de noter l'avis du rapporteur sur le rapport des Etats Généraux de la Recherche. Si il affirme partager la plupart des revendications (formation, structure de pilotage, réforme en profondeur des université, rigueur des évaluations, mobilité, ...), ce sont les "omissions regrettables" qui se distinguent.
"Certaines lacunes [lui] paraissent, en revanche, surprenantes. Alors que la connaissance scientifique devrait être un bien public dont l'Etat est le garant et qu'une augmentation massive de moyens est requise, il n'est question, nulle part, dans le résumé du rapport, du rôle de la représentation nationale.[...] D'autre part, il est très peu question, dans ce document, de coopération avec les entreprises et la recherche privées, si ce n'est pour affirmer que « la valorisation des connaissances scientifiques doit reposer sur des partenariats (avec qui ?) équilibrés », ou à propos des pôles de recherche et d'enseignement supérieur qui doivent associer, localement, « les différents partenaires de l'enseignement supérieur et de la recherche publique et privée » "
Il est vrai que ce malentendu terrible entre Recherche Privée et Recherche Publique perdure effectivement dans le rapport final des Etats Généraux. Il est très clair pour les auteurs qu'il y a deux sortes de recherche:
"Les recherches effectuées dans les entreprises ont pour premier objectif l’innovation alors que pour les établissements publics de recherche, dont la mission première est l’élaboration de connaissances, l’innovation n’est qu’un aspect de la valorisation des découvertes. Lorsque les entreprises innovent, elles protègent leurs créations tant par la propriété (brevet, marques, dessins et modèles), que par le secret industriel. Pour le citoyen, qui contribue au financement de l’effort public de recherche, le résultat n’est pas identique. Certes, les entreprises lui fournissent des biens et services qu’il peut acquérir sur le marché, mais c’est avant tout la recherche publique qui contribue par ses découvertes à préserver la création, le développement et la diffusion des nouveaux savoirs."
La mention de la 'protection' des créations de la recherche privée est d'autant plus ironique quand on connait l'accent fort porté par le CNRS actuellement sur la valorisation et la protection de sa propriété intellectuelle. La minimisation des avancées issues de la recherche privée - on sent presque un vague mépris - est tout aussi dommageable pour le discours. Ce paragraphe sent vraiment trop l'épouvantail pour être fondamentalement honnête. De la même manière, le paragraphe sur le "Partenariat public-privé" ne met l'accent que sur des problèmes exogènes. C'est un problème qui se retrouve très souvent dans le rapport, avec un manque terrible à remettre en cause les structures actuelles de la recherche. Les contre-propositions des Intermittents du Spectacles étaient autrement plus imaginatives et lucides.

Le danger est très clair: une proposition aussi conservatrice que l'est le rapport final des Etats Généraux de la Recherche est du pain béni pour les excités libéraux, qui ne pourront que le brandir et le caricaturer en disant que la seule chose que veulent les chercheurs c'est plus de moyens, sans réfléchir à leurs structures.