18.1.05

Vocabulaire

Lu dans Le Monde:
Denis Gautier-Sauvagnac, dirigeant du Medef, balaie cependant tout cela d'un revers de main. Ces mouvements sociaux sont, selon lui, "des manifestations tout à fait traditionnelles, dans le sens le plus conservateur qui soit. Avec la réforme des 35 heures, nous sommes peut-être au début d'un tournant. En parlant de temps choisi, le gouvernement a utilisé le bon vocabulaire, ce qui rend très difficile la réaction syndicale".

Terrible remarque.

Terrible, parce que le débat sur réforme des 35 heures a été effectivement globalement controlé par la droite, qui a réussi à faire passer deux idées fortes sans quasiment la moindre opposition politique ou questionnement de la part des médias. Déja par le martèlement de l'effet négatif des 35 heures, sans franchement d'étude économique sérieuse pour le justifier, cf. l'intéressant billet sur Ceteris Paribus.

Non, ce qui m'impressionne plus encore est la façon dont l'UMP a téléguidé le débat, en réussissant à poser Chirac comme le bon sens près de chez vous face à un Sarkozy bille en tête, à parler plus de pédagogie de la réforme que de la réforme elle-même, et - habileté suprême - en la posant comme une liberté supplémentaire pour le salarié. La sortie de Gautier-Sauvagnac est tout à fait lucide, et terrible quand il lie l'absence de réaction des syndicats à ce jeu sur les mots. Non seulement il a probalement raison pour une part, mais réussir en prime à qualifier l'opposition à cette réforme de 'conservateurs' dans la même phrase est un emboîtement de novlangue assez sidérant.

Il est rare de voir l'autre côté réussir à contrer ce type de déviances de discours. Le passage de "antimondialiste" à "altermondialiste" est un des rares exemples.

Allez, finissons sur Bourdieu:

En fait les mots exercent un pouvoir typiquement magique : ils font croire, ils font agir. Mais, comme dans le cas de la magie, il faut se demander où réside le principe de cette action ; ou plus exactement quelles sont les conditions sociales qui rendent possible l’efficacité magique des mots. Le pouvoir des mots ne s’exerce que sur ceux qui ont été disposés à les entendre et à les écouter, bref à les croire.