30.1.05

Europe et VGE

VGE est incorrigible (dans le Figaro du 28 janvier 2005, mais pas que).

Constant intéressant: s'il est difficile pour le citoyen de se faire une idée des grands enjeux européen, c'est parce qu'ils sont toujours vus par la lorgnette de la culture nationale, et que la construction européenne se fait dans les détails sur le moyen terme - ce qui est peu compatible avec le rythme de l'actualité.

Bon, ok. Là où je souris, c'est en lisant:

Aussi, je remercie Le Figaro de me donner l'occasion de présenter les problèmes européens «vus d'Europe». Cela correspond à une mue singulière que j'ai sentie s'effectuer en moi: à force de franchir les frontières, de m'entretenir avec les responsables et d'en profiter pour faire des escapades dans les différentes cultures, je suis devenu européen. C'est donc un Européen français qui s'adresse à vous.
Bref, heureusement qu'on a l'Ex et sa mue singulière, sinon pauvres de nous. On ne remerciera jamais assez ce grand homme de condescendre à nous éclairer. Enfin, ne nous moquons pas, de toutes façons Jean-Marie Rouart, dans le genre vachard en coin a fait très fort.

En fait, l'argument de l'Ex est assez intéressant, il fait remonter les difficultés internes à l'Europe à l'opposition entre une conception fédéraliste - canal historique - et libre-échangiste - canal anglo-saxon -. Opposition jamais résolue et que les élargissements n'ont jamais vraiment tiré au clair ou résorbé. Alors la constitution dans tout ça ?

la Constitution s'inscrit clairement dans la ligne du premier projet, celui de l'Europe européenne, mais elle évite de franchir les limites qui la rendraient inacceptable aux tenants du second.
Même si ça m'étonne un rien de faire l'éloge de VGE, je dois avouer que son texte a un attrait singulier, c'est de prendre position clairement sur la volonté d'une véritable europe fédéraliste. Cela change des atermoiements 'cachez cette fédération que je ne saurais voir' des pro-européens.

Dans la rubrique clarté, c'est aussi intéressant de voir Mario Monti poser la question de la sortie de l'Europe des pays non-ratifiants, notamment par référendum. Curieux de voir là aussi les opposants à la constitution éviter d'envisager ce genre de scénarios.

Ah oui, et j'aime beaucoup la fin du texte de VGE.

Faisons confiance aux enfants de l'Europe pour prendre le relais! A bientôt.
Cet "A bientôt" a comme un goût de "au revoir". Incorrigible, vous dis-je.

20.1.05

Présidentielle(s)

America... just a nation of two hundred million used car salesmen with all the money we need to buy guns and no qualms about killing anybody else in the world who tries to make us uncomfortable.

Hunter S. Thompson

Certains critiquent les accents messianiques du discours d'investiture de George W. Bush et la pompe de la cérémonie, estimant que la violence du débat électoral aurait pu amener à plus de mesure. Cyniquement, ça me fait penser à ceux qui espéraient qu'après le score massif du second tour, Chirac monterait une sorte de gouvernement d' "union nationale".

Vae victis.

18.1.05

Vocabulaire

Lu dans Le Monde:
Denis Gautier-Sauvagnac, dirigeant du Medef, balaie cependant tout cela d'un revers de main. Ces mouvements sociaux sont, selon lui, "des manifestations tout à fait traditionnelles, dans le sens le plus conservateur qui soit. Avec la réforme des 35 heures, nous sommes peut-être au début d'un tournant. En parlant de temps choisi, le gouvernement a utilisé le bon vocabulaire, ce qui rend très difficile la réaction syndicale".

Terrible remarque.

Terrible, parce que le débat sur réforme des 35 heures a été effectivement globalement controlé par la droite, qui a réussi à faire passer deux idées fortes sans quasiment la moindre opposition politique ou questionnement de la part des médias. Déja par le martèlement de l'effet négatif des 35 heures, sans franchement d'étude économique sérieuse pour le justifier, cf. l'intéressant billet sur Ceteris Paribus.

Non, ce qui m'impressionne plus encore est la façon dont l'UMP a téléguidé le débat, en réussissant à poser Chirac comme le bon sens près de chez vous face à un Sarkozy bille en tête, à parler plus de pédagogie de la réforme que de la réforme elle-même, et - habileté suprême - en la posant comme une liberté supplémentaire pour le salarié. La sortie de Gautier-Sauvagnac est tout à fait lucide, et terrible quand il lie l'absence de réaction des syndicats à ce jeu sur les mots. Non seulement il a probalement raison pour une part, mais réussir en prime à qualifier l'opposition à cette réforme de 'conservateurs' dans la même phrase est un emboîtement de novlangue assez sidérant.

Il est rare de voir l'autre côté réussir à contrer ce type de déviances de discours. Le passage de "antimondialiste" à "altermondialiste" est un des rares exemples.

Allez, finissons sur Bourdieu:

En fait les mots exercent un pouvoir typiquement magique : ils font croire, ils font agir. Mais, comme dans le cas de la magie, il faut se demander où réside le principe de cette action ; ou plus exactement quelles sont les conditions sociales qui rendent possible l’efficacité magique des mots. Le pouvoir des mots ne s’exerce que sur ceux qui ont été disposés à les entendre et à les écouter, bref à les croire.

10.1.05

Le retour des hirondelles à Vukovar

"A l'approche du mois de mai, des volées d'hirondelles scrupuleuses atterrissent par milliers à Vukovar. Leur manège fébrile, qui noircit le ciel au-dessus du centre ville, et leur gazouillis strident témoignent de leur panique. Les passereaux fidèles ne trouvent plus leurs soupentes ou ne reconnaissent pas leurs nids arrachés sur des lambeaux de mur."

Jean Hatzfeld, L'air de la guerre