17.12.04

Recherche (suite)

Pour suivre mon billet sur ce thème, Le Monde propose le texte d'une entrevue avec Michel Laurent, premier vice-président de la Conférence des présidents d'université (CPU). Intéressant de noter que les présidents d'université ont une vision très critique des travaux du CPU:
"Il y a deux grands modèles d'évolution possibles. Le premier conduit à l'amendement du système actuel sans profonde remise en cause. C'est la logique des travaux engagés par le CIP -comité d'initiative et de proposition- et qui ont débouché sur les états généraux de Grenoble. Le second modèle débouche sur une réforme de fond, qui tienne compte de la construction européenne, du contexte de mondialisation. Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins.

L'idée même que le système puisse rebondir sur le mode d'organisation actuel nous paraît un challenge impossible.

Je ne m'attendais pas à une prise de position aussi claire de la part des présidents d'Université. Evidemment, on pourrait leur faire le procès d'une manoeuvre pas trop habile consistant à vouloir une remise à plat pour faire revenir la recherche au sein des universités.

Plus étonnante est la justification d'un contexte favorable à une évolution: stabilisation des effectifs étudiants... et aussi que "les départs à la retraite prévus d'ici dix ans permettent un renouvellement très important parmi les enseignants chercheurs". Doit-on comprendre que les chercheurs actuels sont un peu trop conservateurs pour les évolutions proposées ? Tt tt..

12.12.04

Serge Dassault

La prise de contrôle du Figaro avait donné lieu à des analyses un petit peu inquiètes, mais souvent vaguement condescendantes, sur le thème "Fiston Serge voudrait un journal pour faire comme papa avec Jours de France". Pourtant le personnage a toujours été clair. A propos de la tentative ratée sur l'Express :
"Je ne voulais pas intervenir tous les jours [dans la rédaction], mais je souhaite faire peut-être un jour un journal libéral. "

(LCI, 1997)

Alors évidemment, avec les sorties récentes de l'intéressé, on en revient :
"Un journal « permet de faire passer un certain nombre d’idées saines »qui font que ça marche. Par exemple, les idées de gauches sont des idées pas saines. [..] La presse peut rendre compte, mais elle peut dire aussi : halte là on va dans l’erreur ; Ce n’est pas ça qui marche"

(France Inter, 12/2004)

Le fond n'a rien en soi d'innovant: le rouleau-compresseur Murdoch ne date pas d'hier, avec cette volonté de pousser ou créer des médias proches des grands groupes financiers, d'avoir un discours totalement orienté néo-conservateurs, cf. FoxNews. Et en France, il a fallu le faux-pas de Le Lay pour entendre des réactions outragées à une situation en place depuis plus d'une dizaine d'années. Non, ce qui est spécifique à Dassault/Figaro, c'est de voir le donneur d'ordre assumer complètement sa politique, la revendiquer publiquement, et en clarifier les bases idéologiques, les rouages, et les buts.

Peut-être est-ce une volonté de retour à la presse d'opinion, celle des années 1930 et de la collusion avec les centres économiques de l'époque, comme les liens du "Temps" et le Comité des Forges et autres groupes. Une volonté de rebâtir un "Mur de l'Argent" comme celui qui fit la peau au Cartel des Gauches et au Front Populaire. La situation est évidemment différente, la reprise en main du Figaro est une prise de contrôle d'origine financière, et une pression qui viendra de la direction. La presse aux ordres de l'entre-deux-guerres était profondément corrompue, jusqu'aux journalistes. Au Figaro, la rédaction a eu une réaction immédiate de méfiance.

Je ne suis pas certain que la réponse la plus adaptée soit celle du PS, qui convoque les mânes du totalitarisme et des idées lepénistes. Le discours de Dassault n'est finalement guère différent d'une aile libérale et agressive de l'UMP (Devidjian, Raoult, Sarkozy, Copé, ..), il a le mérite d'être parfaitement explicite. Une réponse en biais, qui n'attaque pas le discours sur le fond (ultra-libéralisme, presse vassale).

Par contre, il ne m'étonnerait guère qu'une partie de la réplique à Dassault vienne de la droite elle-même. Un tel pouvoir dans les mains d'une seule mouvance, de façon aussi lisibles est de nature à effrayer les gaullistes tendance historique, démocrates chrétiens, ou même, par contre-coups, d'autres représentants de l'aile industrielle, inquiets d'un tel changement d'équilibre. Il sera intéressant de surveiller les collègues de Dassault au MEDEF, Seillères en tête, pour voir s'il vont profiter de cette tribune encore plus largement ouverte, ou se méfier d'un contre-coup.

La question restante serait de savoir pourquoi Dassault a adopté une stratégie médiatique aussi périlleuse. Enivrement passager après la réussite de son coup et son entrée au Sénat ? Totale naïveté du personnage ? Son discours voulu comme de bon sens ferait pencher pour cette hypothèse, qui est sans doute la plus confortable. Ou bien est-ce plutôt l'hypothèse faite très cyniquement qu'après quelques remous initiaux, la réaction a ce genre de propos n'ira pas loin et laissera un terrain vide. Je penche plutôt pour cela.

9.12.04

Restif de la Bretonne

"Il ne composait que ses propres ouvrages, et telle était sa fécondité qu'il ne se donnait plus la peine de les écrire: debout devant sa casse, le feu de l'enthousiasme dans les yeux, il assemblait lettre à lettre dans son composteur ces pages inspirées et criblées de fautes, dont tout le monde a remarqué la bizarre orthographe et les excentricités calculées. [...] Quelquefois il lui plaisait d'essayer un nouveau système d'orthographe; il en avertissait tout à coup le lecteur au moyen d'une parenthèse, puis il poursuivait son chapitre, soit en supprimant une partie des voyelles, à la manière arabe, soit en jetant le désordre dans les consonnes, remplaçant l c par l's, l's par le t, ce dernier par le ç, etc., toujours d'après des règles qu'il développait longuement dans des notes. "

Gérard de Nerval, Les confidences de Nicolas, parlant de Restif. In Eric Hazan, L'invention de Paris

7.12.04

Rapports de recherche

On ne chantera jamais assez les louanges du site Web du Sénat. Mise en ligne complète des rapports généraux, des textes d'amendements, liens hypertextes entre pages des sénateurs et travaux produits ou même interventions précises. Très beau boulot d'indexation et de mise à disposition de quasiment toute de l'information disponible au public (et plus clair à mon sens que celui de l'Assemblée Nationale). Et passionnant outil pédagogique pour voir l'Etat en construction au jour le jour.

Et la lecture du jour est le rapport général sur la recherche de Maurice Blin, fait au nom de la commission des finance.

Un bonne lecture. L'état des lieux de certains grands organismes est intéressant, tant en soi que par opposition: INSERM, CEA, CNES dans les bons élèves, CNRS au piquet. Le chapitre sur la réforme du système français est assez mesuré, même si sans grande complaisance. Le rapporteur ressort d'ailleurs quelques coup de piques de la Cour des Comptes en 2001:

« La formule statutaire - notait la Cour - inscrit les chercheurs dans une perspective de carrière d'une quarantaine d'années, alors que l'activité de recherche évolue sensiblement avec les âges de la vie... s'il est souhaitable - poursuivait-elle - qu'un grand nombre de chercheurs puisse tirer profit de l'investissement consenti par la nation pour les former à et par la recherche dans les établissements publics à caractère scientifique et technique et les universités, il n'est pas établi qu'il soit de bonne gestion (admirable litote !) de prévoir que tous doivent ensuite exercer leur travail de recherche dans les établissements publics à caractère scientifique et technique . »
"L'admirable litote" n'est pas de moi, mais du rapporteur. Il est surtout intéressant de noter l'avis du rapporteur sur le rapport des Etats Généraux de la Recherche. Si il affirme partager la plupart des revendications (formation, structure de pilotage, réforme en profondeur des université, rigueur des évaluations, mobilité, ...), ce sont les "omissions regrettables" qui se distinguent.
"Certaines lacunes [lui] paraissent, en revanche, surprenantes. Alors que la connaissance scientifique devrait être un bien public dont l'Etat est le garant et qu'une augmentation massive de moyens est requise, il n'est question, nulle part, dans le résumé du rapport, du rôle de la représentation nationale.[...] D'autre part, il est très peu question, dans ce document, de coopération avec les entreprises et la recherche privées, si ce n'est pour affirmer que « la valorisation des connaissances scientifiques doit reposer sur des partenariats (avec qui ?) équilibrés », ou à propos des pôles de recherche et d'enseignement supérieur qui doivent associer, localement, « les différents partenaires de l'enseignement supérieur et de la recherche publique et privée » "
Il est vrai que ce malentendu terrible entre Recherche Privée et Recherche Publique perdure effectivement dans le rapport final des Etats Généraux. Il est très clair pour les auteurs qu'il y a deux sortes de recherche:
"Les recherches effectuées dans les entreprises ont pour premier objectif l’innovation alors que pour les établissements publics de recherche, dont la mission première est l’élaboration de connaissances, l’innovation n’est qu’un aspect de la valorisation des découvertes. Lorsque les entreprises innovent, elles protègent leurs créations tant par la propriété (brevet, marques, dessins et modèles), que par le secret industriel. Pour le citoyen, qui contribue au financement de l’effort public de recherche, le résultat n’est pas identique. Certes, les entreprises lui fournissent des biens et services qu’il peut acquérir sur le marché, mais c’est avant tout la recherche publique qui contribue par ses découvertes à préserver la création, le développement et la diffusion des nouveaux savoirs."
La mention de la 'protection' des créations de la recherche privée est d'autant plus ironique quand on connait l'accent fort porté par le CNRS actuellement sur la valorisation et la protection de sa propriété intellectuelle. La minimisation des avancées issues de la recherche privée - on sent presque un vague mépris - est tout aussi dommageable pour le discours. Ce paragraphe sent vraiment trop l'épouvantail pour être fondamentalement honnête. De la même manière, le paragraphe sur le "Partenariat public-privé" ne met l'accent que sur des problèmes exogènes. C'est un problème qui se retrouve très souvent dans le rapport, avec un manque terrible à remettre en cause les structures actuelles de la recherche. Les contre-propositions des Intermittents du Spectacles étaient autrement plus imaginatives et lucides.

Le danger est très clair: une proposition aussi conservatrice que l'est le rapport final des Etats Généraux de la Recherche est du pain béni pour les excités libéraux, qui ne pourront que le brandir et le caricaturer en disant que la seule chose que veulent les chercheurs c'est plus de moyens, sans réfléchir à leurs structures.

4.12.04

Eclair

"Si vous m'embrassez, dit-elle, j'enfoncerai ma langue si profondément dans votre gorge. - Oui - Qu'elle vous transpercera le coeur."

Outremonde - Don DeLillo

1.12.04

Infamie ?

Infamie, subst. fém. A. Flétrissure morale infligée par la loi ou par l'opinion publique et portant atteinte à la réputation, à l'honneur d'une personne.
B. Action ou parole vile, honteuse.
S'il est peu probable qu'Alain Juppé considère sa nouvelle peine comme une infamie, on peut continuer à penser que ce qui s'est passé quand il était à la tête du RPR relève toujours dans la seconde définition.

RPR, UMP. Lyonnaise des Eaux, Vivendi. Il y aurait quelques pages à écrire sur les changements plus ou moins circonstanciés de noms. Un peu à la manière de l'amusant Logo RIP.

(Note pour plus tard: faire une liste de noms, marques ou institutions 'datés', classée chronologiquement. Exemples: Compagnie des Indes, Frigidaire, ...)